Nous quittons Sadhana forest en vitesse et sans avoir de plan fixe.
Billy, lui, s'est engage a retrouver un couple d'amis sur Nairobi a
la fin du mois pour leur donner un coup de main sur un projet de
construction en superadobe (il a d'ailleurs essaye de ramener
quelques volontaires de Sadhana).
Cette methode a ete concue il y a une vingtaine d'annee par un
ingenieur irano americain dans l'idee de construire les premieres
structures sur la Lune et sur Mars. Le cahier des charges etant donc
centre sur un apport minimise de materiaux et utilisation maximale
des ressources locales.
Ce design consiste a remplir des tubes de Polypropylene tisse d'un
melange de sable, terre et moins de 10% de ciment. Les rangs sont
separes par deux lignes de fil barbele et des tiges de fer sont
inserees pres des extremites et ouvertures de la structure. Une fois
le squelette de sac termine, on enroule du grillage autour et
appliquons un torchis pour rendre la structure resistante a l'eau. Le
concepteur assure une resistance aux innondations, incendies et
tremblements de terre de ce concept. Les formes privilegiees sont
principalement en dome mais des structures rectangulaires sont
possibles.
Mais revenons un peu en arriere. Nous quittons Sadhana avec Billy et
Wilson. La premiere nuit est passe en tente chez le cousin de Billy a
Maralal.
Le lendemain on part tous les trois pour Nakuru. 3eme ville du Kenya
ou Billy a une maison de famille inoccupee. Celle-ci est gardee par
des « amis » de la famille.
La maison est tres grande, de style colonial avec grand jardin et
piscine. Les chiens et chiots nous accueillent en joie.
Billy est
neanmoins desoeuvre a la vue des cadavres de bouteilles d'alcool
presents dans la maison et dans le jardin. Les gardiens, semble-t-il,
organisent des soirees bien arrosees et negligent le nettoyage le
lendemain. La moitie des meubles manquent et une partie des
sanitaires hors d'usage.
On se fera neanmoins plaisir en cuisine avec des petits dejeuners
copieux !!
Bref, le projet de Billy de transformer cette maison en gite
necessite plus de travail que prevu.
On passera une semaine sur place a ranger, nettoyer et se reposer.
Le trajet pour Nairobi se fera en voiture. En effet, Billy a un ami
qui fait la route de vendredi, il propose de nous emmener. Il nous
deposera chez les parents de Tindi, en banlieue.
Kim et Tindi sont un jeune couple. Kim a herite d'un terrain de 4
hectares a Athi river, un village a 30km de Nairobi.
Sur ce site, elle desire construire un maison et peut etre implenter
un centre de formation en superadobe.
On reste neanmoins une autre semaine chez les parents pour finaliser
les preparatifs. On retrouvera Taylor qui elle a retrouve Wilson.
J'avoue que cette semaine d'attente m'a quelque peu exasperee... Pas
grand chose a faire, les kenyans boivent beaucoup et ne reculent pas
devant une vodka chaude et pure a 10h du matin.... perso, j'ai fait
la grimace.
Taylor nous a raconte l'hecatombe des derniers jours a Sadhana et le
depart de certains volontaires long duree...
Nous finissons par aller visiter le site pour une petite heure. La,
je decouvre d'abord la route pour y aller. Si il faut d'abord prendre
l'autoroute de la cote pendant 20km, il y a ensuite 10km de route
tres cabossee (20km/h max) pour atteindre le village. La, je suis
surprise du vide du terrain. Seuls 4 arbres se battent en duel. Le
reste n'est que mauvaises herbes. Une petite cabane a ete erigee ou
un gardien loge. Et c'est tout. Ah si, un trou a ete creuser pour les
toilettes.
Le defi est donc de taille, et le besoin de main d'oeuvre enorme. On
repart pour Nairobi, esperant que d'autres volontaires de Sadhana
vont repondre presents. Seule Julie, la hollandaise passera pour
quelques jours, malgre les 10 noms laisses par les plus motives sur
la liste a Sadhana. Mais heureusement Fideliz, le gardien, Stano, un
employe des parents de Kim et Peter, un ami de la famille se joignent
a nos efforts. Memes les fils du voisins, qui nous prete la voiture
passent de temps a autre donner un coup de main.
Bref c'est deux jours plus tard qu'on demenage enfin et retournons a
la vie simple du camping. Pour les 4 premiers jours, l'eau etait
stockee en bidons, pas d'eau courante. Kim est allee acheter tout le
necessaire pour faire une cuisine d'appoint, gicko, marmites...
Les methodes et l'organisation africaine sont bien loin de mes
standards europeens et je suis tres souvent frustree des delais et
retards des materiaux.
Bref, nos premiers travaux sont basiques : construction d'une
station de lavage des mains, rangements des outils dans le
poulailler. Ensuite on monte une cloture pour eviter les badaux,
prevoyant d'avoir quelques blancs en volontaires, il vaut mieux
rester discret pour eviter les voleurs.
Apres ca, on commence enfin la construction avec le creusage des
fondations, 40cm de profondeur.
Kim souhaite debuter les travaux avec 2 petites structures : une
douche et un WC. 2 cercles de 2m de diametre et 1,6m de haut.
La douche sera la premiere. Les deux rangs de fondation sont rempli
de gravats. Ce n'est que pour les rangs suivant qu'on fait le
melange. Comme je l'expliquais le melange est fait de 65% de sable
(Kim a recupere de la poussiere de carriere), 25% de terre et moins
de 10% de ciment. Le tout mixe avec un peu d'eau, fera des murs
d'environs 30cm de large et 10 cm d'epaisseur.
La flexibilite du Superadobe nous permet d'inserer des poutres entres
les rangs qui serviront plus tard a supporter le lavabo, un banc, des
etageres, … Nous deposons les tubes les uns sur les autres separes
par 2 brins de barbele et tamponnes fortement. Des cadres en bois
sont necessaires pour preparer a l'installation des portes et
fenetres.On peut aussi creuser les tubes et inserer des niches.
En attendant certains materiaux, on s'occupe a la fabrication d'une
terrasse. En effet, le soleil est ecrasant et la cabane exigue. Il y
a grand besoin de créer un endroit ou se reposer a l'air libre mais
sans cramer. On a commence par installer un petit banc en superadobe
sur le cote est de la cabane mais Tindi a vu grand et nous a fait
construire un preau sous le bord duquel nous avons installe un
deuxieme banc. La table est venue peu de temps apres completer cette
« chill-zone ».
Il nous a fallu 10 jours pour finir les 16 rangs de la douche, moins
d'une semaine aurait ete necessaire avec des horaires professionnels.
Mais ayant egalement commence une semaine apres le debut du mois, mon
vol etant le 13, nous n'etions qu'a mi chemin lorsque je devais
rentrer. J'en etais triste mais decidee, quand 2 jours avant mon vol,
une fievre me cloue au lit. 39,5C. Sans comprendre la cause, l'idee
de retarder mon vol pour eviter toute mise en quarantaine (arrivant
d'Afrique dans un aeroport europeen...). Et Billy a saute sur
l'occasion pour insister sur une prolongation de mon sejour. J'ai
donc cedee le matin de mon vol. Les tarifs des echanges d'Emirates
ont eu raison de la duree. Et ce seront 3 semaines supplementaires
que j'offre a Kim et Tindi pour faire avancer le chantier. J'ai donc
pu admirer et participer a la fin de la construction de la douche
(sans les finitions malheureusement).
Nous nous attaquons ensuite aux toilettes. Mais avant de s'y mettre
nous souhaitons aller prendre un peu l'air et le voisin ayant accepte
de nous preter sa voiture pour s'approvisionner en materiaux(apres
que l'on ait remplace la batterie). Nous prenons le large vers la
cote pour 2 jours. Je pensais que Kim aurait la presence d'esprit de
prevenir de notre long sejour au voisin mais elle a preferee optee
pour le silence radio, qui a effraye la femme du voisin et nous avons
du rentrer en urgence, la police ayant ete contactee... Mais ceci
n'est que du detail, apparemment...
La veille du depart, Tindi m'annonce que la cote est a 5 ou 6h de
route. C'est plus que raisonable et nous convenons de partir en fin
de matinee. A 10h le lendemain, il se reprend et m'annonce 8h. Nous
partons a midi. Si j'avais tout d'abord propose de conduire pendant
quelques temps pour soulager les autres conducteurs, je me suis vite
ravisee voyant les methodes de conduite sur cette autoroute. C'est
une deux voies seulement, ou les depassements se font au bon gre de
chacun, la plupart etant tres peu regardant de la visibilite et des
distances. Les poids lourds, tres nombreux, roulent entre 40 et
50km/h. Bref, chaotique. Mais ce n'est rien compare a la version de
nuit. Les depassements sont tout aussi nombreux, mais la route etant
relativement droite, il est tres dur de les identifier devant cette
ligne de phares.
Bref, c'est tres tendus, fatigues et affames que nous atteignons
notre destination a minuit !! Oui ce n'etait pas 5, ni 6 ni meme
8 mais bien 12 heures qu'il nous a fallu pour parcourir les 540km qui
separent Nairobi de Diani Beach, beach village tres « in ».
Nous descendons au South Coast backpacker a quelques centaines de
metres de la plage. Malheureusement, la route m'a extenuee, et
l'absence de pause, de nourriture et de conversation m'a sape le
moral. En effet, les kenyans ne sont pas tres bavards. Autant je
comprend que le conducteur se doit de garder une concentration de
tout instant, les 3 autres passagers ne se sentent pas de passer le
temps en conversant. Ne voulant pas imposer mes habitudes, j'ai suivi
les mœurs locales et me suis ennuyee profondement.
Le backpack est neanmoins splendide, avec piscine et bungalows. Nous
plantons les tentes et tentons de trouver une gargotte ouverte a
cette heure. De retour a l'hotel, mes accolytes se detendent au bar
alors que je prefere aller m'allonger.
Le lendemain, nous degustons un dejeuner les pieds dans le sable
avant d'aller nous balader sur un ilet a proximite, Chale Island. La,
nous rencontrons un local qui nous fait faire le tour en nous
montrant la faune aquatique locale.
On se posera sur une des plages deserte et Kim sort bien-evidemment
la bouteille de vodka, encore une fois chaude.
Avant de rentrer a l'hotel, nous passons par un site ou mes 3
camarades travaillaient en debut d'annee. C'est en approchant de
l'entree que Tindi me demande si Billy m'a raconte l'histoire de ce
site, je hoche la tete et me tourne vers Billy. Il prefere m'en
parler plus tard. C'est donc apres avoir contempler ce grand terrain,
ou l'on apercoit quelques debuts de fondations, deux ou trois bancs
en super adobe entourant un magestic baobab que Billy m'apprend que
c'est le terrain ou il avait commencer a construire une maison 5
chambres et des bungalows pour monter une retraite zen sur un terrain
achete par son « ex-future » beau-pere (Sa fiancee lui a
brise le cœur quelques mois avant l'experience de Sadhana). Bref
sans vouloir entrer dans les details, j'ai ete blessee de la facon
dont les informations m'ont ete transmises. Eux ont constate l'arret
total des travaux. Je me suis sentie au pied du mur pour accepter ce
bagage.
L'ambiance ne s'est donc pas amelioree et le message vocal du voisin
annoncant la plainte aupres de la police pour voiture disparue n'a
pas aide.
Ils ont donc regle ca la seule facon qu'ils reglent leurs problemes :
Vodka ! Je me suis isolee une petite heure, a mon retour, ils
etaient tous largement ivres. Billy au bord du coma ethylique.
J'ai donc passe plusieurs heures a tenter de le garder conscient et
hydrate.
Le retour se fera le lendemain de bonne heure, mais toujours pas de
bonne humeur. Seule victoire du week end, Tindi et Kim ont trouve un
tas de bouteilles de vin vide que nous cherchions pour faire des
mosaics en haut de murs de la douche. Nous passons donc chercher les
quelques 250 bouteilles avant de reprendre la route, encore une fois
de 12h, encore une fois en silence.
Ce week end, bien que chaotique emotionnellement parlant m'a montre
une autre region du Kenya. La cote est superbe et la vegetation
magique. Diani est effectivement un village touristique ou les clubs
s'enchainent. J'avais espere y passer plus de temps, histoire d'y
avoir quelques bons souvenirs...
De retour a Athi river, nous entamons les rangs des toilettes. Tindi
decide ensuite de lancer la construction d'un grand dome de 4m de
diametre. J'avoue ne pas tout comprendre, ce dome n'etant pas sur le
plan initial.
Les hommes forts s'attelent donc a creuser les 60cm de profondeur sur
ce cercle... Beaucoup de coups de pelle en perspective. J'avoue me
concentrer sur les toilettes et la decoupe de bouteilles.
Les jours passent et mon sejour touche a sa fin. Je ressens l'envie
de prendre un dernier bol d'air dans un autre coin du Kenya avant de
partir. Nous decidons donc avec Billy de partir a Naivasha, region de
collines. Nous reservons un bungalow sur les bords du lac.
La meteo n'est pas clemente et nous ne pouvons pas profiter de la
proximite des parcs nationaux. Nous passons le temps en terrasse a
discuter. Nous avons neanmoins la chance d'admirer les autochtones a
poil et a plume....
Ce ne sont que 2 jours mais ils ont ete intenses en echange. Le
retour se fera encore une fois douloureux pour Billy, n'etant
toujours pas exempt de gueule de bois.
C'est bien evidemment partagee que je monte dans l'avion, laissant
derriere mois un projet en pleine expansion, des amis (meme si nos
methodes de relaxation diffèrent...).
Il m'est neanmoins cher de rentrer, revoir la famille, les amis. Cela
fait maintenant 2 ans et un mois que je n'ai pas touche le sol
metropolitain. Il me tarde de saluer et embrasser mes proches.
C'est la dure vie du voyage : faire de belles rencontres mais
savoir dire au revoir. On peut s'habituer a ces sentiments, mais il
me tarde que leur frequence diminue. Il me tarde de me poser, de
construire, de partager ce que j'ai appris avec mes compatriotes.
Je
termine ce blog avec deux pensees prevalentes :
Toute
critique doit etre constructive.
Et
ma citation preferee :
Il suffit q'les gens arretent d'acheter pour qu'ca s'vende pas !
Coluche